La dernière publication du rapport du GIEC nous amène une nouvelle fois à nous questionner sur nos modes de consommation et de production avec en toile de fond le rôle de l’entreprise et surtout celui des compétences. La nécessité de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, de se reconnecter au vivant et de préserver les ressources, impacte de manière très hétérogène et massive le travail. La décarbonation de notre économie couplée à une nécessaire réindustrialisation et à une relocalisation de nos capacités productives ouvre un immense chantier en matière de politique d’emploi et de formation.
En 2009, après le Grenelle Environnement, l’Etat mettait déjà en place dix comités de filière chargés d’élaborer des propositions dans le cadre du plan de mobilisation pour le développement des métiers de la « croissance verte ». Puis les politiques publiques, comme souvent, se suivent, se remplacent et s’oublient. Depuis plus de 15 ans, on nous explique que la croissance verte va générer de nouveaux emplois. Il est urgent de regarder la réalité en face. Les métiers de demain sont déjà là.
Des métiers à impact très recherchés. Oui, mais lesquels ?
A force d’attendre, la très forte augmentation des besoins de travailleurs qualifiés qui disposent de compétences vertes, se transforme aujourd’hui en véritable pénurie. Energies renouvelables, efficience énergétique des bâtiments, mobilité durable, agriculture régénérative, économie sociale et solidaire, ou encore économie circulaire, tous les secteurs clés sont impactés. 400 000 offres d’emploi à impact étaient disponibles en ligne au premier trimestre 2023 selon le baromètre Brawo Impact. Et ce n’est qu’un début. A elle seule, la transition écologique permettrait, selon l’Ademe, la création nette d’un million d’emplois à l’horizon 2050.
Cette transformation amène à repenser les flux de nos économies développées. Il est primordial de prendre en compte aussi bien les professions existantes qui vont devoir évoluer, que les transferts entre emplois carbonés en décroissance à ceux en croissance. D’autant, que notre représentation des métiers à impact était jusqu’à présent réduite à une vision de niche, celle de l’écologie. On se rend bien compte, à présent, qu’ils touchent tous les secteurs et toutes les entreprises.
Recherche et développement, conception, installation ou encore maintenance, il est nécessaire de comprendre et de cartographier au plus vite l’offre et la demande de talents, secteur par secteur, profession par profession, et ce, au plus près des territoires.
Quelles formations pour les collaborateurs dont les métiers disparaîtront du fait même de la transformation des modèles de production ? Quelles mobilités géographiques ou sectorielles devons-nous favoriser pour accélérer la transition? Quels enseignements doivent être mis en place ? Répondre à ces questions permettra de garantir la plus juste réponse possible pour les travailleurs des secteurs obsolètes.
Une nécessaire mobilisation de tous les acteurs
Face à cette vague géante, l’absence de données concrètes et de consensus sur les besoins des employeurs constitue un défi de taille pour toutes les parties prenantes. Ce manque de clairvoyance et d’anticipation sur les compétences demandées pour atteindre la neutralité carbone entrave les efforts de prospective et crée une inertie dans la coordination des programmes de formation initiale et continue.
Plusieurs lignes directrices doivent être suivies.
Premièrement, il est urgent de mobiliser tous les acteurs de notre société. Cette nécessaire prise de conscience doit se faire à l’échelle globale, tant au niveau individuel, sociétal qu’organisationnel. Deuxièmement, nous devons construire une base empirique solide sur les emplois et les compétences vertes afin d’anticiper les besoins de développement des formations. Enfin, il faut pouvoir mesurer et suivre en temps réel ces évolutions afin d’adapter l’offre à la demande.
La transformation durable est un changement de cap radical qu’il convient de mettre en œuvre au plus vite. La France a beaucoup d’atouts pour être le fer de lance de cette révolution. La ressource humaine est le facteur clé de cette réussite. Faisons en sorte que les femmes et les hommes soient placés en son cœur.